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L’écosystème éducatif est un espace physique tout autant que cognitif, émotionnel, affectif et social essentiel à la construction de l’identité des enfants et adolescent·e·s. Vecteur d’égalité des chances, espace privilégié de développement des apprentissages pour le renforcement des intelligences multiples, c’est aussi un lieu d’épanouissement dans lequel se construit la relation à soi, aux autres, à la société et à la nature. C’est au travers de cet apprentissage que les jeunes vont forger leur sens de la citoyenneté et de la responsabilité vis-à-vis du monde qui les entoure.
La complexité de la mission de l’école et la multiplicité des enjeux – systémiques, relationnels et identitaires – rencontrés par les établissements scolaires ont été accentués par la pandémie de Covid-19 qui a révélée des problématiques préexistantes, venant à la fois bouleverser les apprentissages et le rapport à l’autre mais aussi interroger le rôle même des écosystèmes éducatifs.
Impact de la pandémie de Covid-19 sur l’école
La situation de la pandémie de Covid-19 a mis en exergue les inégalités systémiques et notamment la non-égalité des chances des élèves scolarisé·e·s en fonction de leur environnement familial et communautaire ; malmenée par la distanciation sociale, la proximité relationnelle nécessaire au développement des rapports de confiance ; questionnée la relation à la vérité avec une multiplication des canaux d’informations et de leurs sources ; challengée le rapport à l’apprentissage avec l’utilisation des modalités en ligne.
Le corps enseignant a également été touché durant cette période ; la nécessaire adaptation rapide aux défis de la pandémie a vulnérabilisé certain·e·s.
Du côté des élèves, le confinement à induit une augmentation des décrochages scolaires dans le canton de Vaud (+5% selon l’enquête URSP VD, n=4461). Cette année est marquée par un fort accroissement de la consommation d’écrans, un isolement social, une baisse de la motivation vis-à-vis de la formation par manque de perspectives, une augmentation nette de la détresse psychique chez les jeunes ainsi qu’une problématique de harcèlement importante en lien avec la perte de cohésion et de connexion avec l’école en générale.
La pandémie a par ailleurs fait émerger une forme de conscience d’interdépendance et de co-responsabilité dans la mise en place de solutions durables et respectueuses de tout un chacun·e. Elle a permis de mettre en évidence le rôle crucial joué par la relation à l’autre en particulier aux enseignant·e·s par les relations symboliques, physiques ou émotionnelles. Elle a également révélé l’importance des ressources intérieures nécessaires au maintien d’une certaine stabilité émotionnelle pour développer sa résilience dans des moments difficiles.
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Entre 11 et 15 ans, le nombre de jeunes en souffrance psychologique passe de 26% à 46% et le nombre de jeunes souffrants de stress passe de 25% à 45%. Les problèmes de santé mentale sont la deuxième cause de décès chez les adolescent·e·s ; 12% des adolescent·e·s souffrent de harcèlement ; 5% ne vont plus à l’école. La complexité des élèves augmente (12% à 15% d’élèves ont des besoins particuliers). Dr. Anne-Emmanuelle Ambresin Division interdisciplinaire de Santé et des adolescents DISA-CHUV, 2019[1].
Des jeunes exposé·e·s à la violence
15% des jeunes suisses de 15 ans interrogé·e·s déclarent avoir subi des moqueries, 11% disent avoir été la cible de rumeurs et 7% celle de violences physiques. Etude PISA, 2019, pisa.educa.ch.
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67% des enseignant·e·s sont stressé·e·s ; 40% souffrent de burn-out. Dr. Anne-Emmanuelle Ambresin Division interdisciplinaire de Santé et des adolescents DISA-CHUV, 2019. De plus, l’état de santé se dégrade au fur et à mesure que la période scolaire avance. 1-28.indd (union-ge.ch).
Des enseignant·e·s démotivé·e·s
Les enseignant·e·s romand·e·s connaissent un « épuisement professionnel et un ras-le-bol toujours plus grands ». Sondage diffusé en 2017, le Syndicat des enseignants romands. A Genève, 65.7% des professeur·e·s répondaient avoir « souvent » ou « très souvent » l’impression de « devoir tenir le coup en période scolaire », à la limite du burn-out. https://labs.letemps.ch/interactive/2018/longread-pinchat/.
Pas moins d’un cinquième des jeunes enseignant·e·s quittent le métier dans les cinq premières années
(Le mal-être des jeunes professeurs à l'école - Le Temps).
Préoccupation essentielle la santé des adolescent·e·s
L’urgence d’apporter des réponses concrètes aux souffrances des jeunes romand·e·s et de leurs enseignant·e·s
La prévalence du stress et des problèmes en santé mentale est en augmentation dans la population adolescente (Delgrande et Eichenberger, 2016). La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver la situation.
Sur le plan scolaire, le stress des élèves a pour effet de diminuer les capacités d’apprentissage, en particulier au niveau de la mémoire et de la capacité d’attention, ce qui affecte les résultats scolaires (Curchod-Ruedi et al., 2011 ; Vogel et Schwabe, 2016).
Sur le plan de la santé, cette augmentation du stress est également préoccupante étant donné que la santé mentale représente actuellement la plus grande cause de morbidité dans la population adolescente (Patton 2016) et que les effets du stress sur le corps sont très délétères tant du point de vue somatique - hypertension, hyperlipidémie, diminution de l’immunité, etc. - que psychique - troubles du sommeil, labilité émotionnelle, etc. - (McEwen 2004).
la diminution du stress des élèves devrait être une priorité afin d’optimiser le climat d’apprentissage tout en améliorant leur bien-être global.
« Un tiers des enfants et des jeunes en Suisse sont soumis à un niveau de stress élevé, selon une enquête menée par Pro Juventute [1] auprès de la jeune génération dans toute la Suisse. Les temps avec leurs ami·e·s, ont moins leur mot à dire à la maison et ont des enseignant·e·s plus susceptibles d’avoir une mauvaise image de la classe que des autres enfants. 33% des enfants et des jeunes interrogés présentaient des symptômes élevés de stress. Le niveau de stress augmenteant avec l’âge. Alors que 26% des enfants jusqu’à 11 ans sont stressés, 45% des enfants de 14 ans et plus le sont, soit près de la moitié. Le niveau de stress des filles est significativement plus élevé que celui des garçons.
L’école est un facteur de stress important. Les examens, les devoirs, mais aussi les querelles en classe et le mobbing entraînent une augmentation du stress chez les élèves. Les enseignant·e·s ont également un impact important sur la perception du stress. Plus l’enseignant·e a une image négative de sa classe dans l’enquête, plus les élèves de cette classe sont stressés. Les enseignant·e·s ayant une mauvaise image de la classe ont fait des déclarations telles que « les élèves ne font pas assez d’efforts » ou « les élèves sont paresseux et pleurnichards ».
[1] https://www.projuventute.ch/fr/fondation/actualite/etude-sur-le-stress-2021
Contexte opérationnel du projet
Dans le cadre de sa mission, l’association suisse Eurasia est active depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’éducation et en premier lieu de l’éducation spécialisée. Elle a pour but de favoriser l’épanouissement et l’intégration sociale et économique des personnes vulnérables et de promouvoir le bonheur et le bien-être de tous les êtres. Son engagement profond repose sur une dynamique de transformation intérieure, favorisant le changement des systèmes et permettant l’émergence d’innovations sociales.
Via son programme Eurasia Learning Institute for Happiness and Wellbeing (ELI), Eurasia s’engage à développer des processus d’accompagnement individuels et organisationnels holistiques ainsi que des événements pour favoriser une profonde transformation personnelle et collective.
Dans la mouvance du programme de l’UNESCO « Ecoles heureuses », la démarche d’ELI au sein des écoles s’ancre sur le développement des compétences au bonheur en visant à créer les conditions pour que les écosystèmes éducatifs fournissent un cadre favorable au plein épanouissement du potentiel humain. Happy schools! A framework for learner well-being in the Asia-Pacific - UNESCO Bibliothèque numérique
Dans ce cadre, Eurasia a développé le projet Happy Schools dans la province de Hué, au Vietnam, en partenariat avec le Ministère de l’Éducation et l’Université de Hué[2].
Forte de cette expérience probante et au regard des besoins croissants en Suisse, l‘association Eurasia et le Docteure Anne-Emmanuelle Ambresin, Médecin cheffe de la Division interdisciplinaire de santé des adolescent.e.s (DISA) du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) sont en partenariat pour développer des programmes contextualisés de développement des compétences socio-émotionnelles (CSE) avec les établissements scolaires romands.
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[1] Eichenberger Y, Kretschmann A, Delgrande Jordan M. Stress lié au travail scolaire chez les adolescent- e-s en Suisse : chiffres actuels, évolution au cours du temps et bien-être des adolescent.e.s concerné.e.s. Feuille-info. Lausanne : Addiction Suisse, 2017
[2] Ce programme de trois ans concerne 4000 élèves des classes primaires et secondaires. Il forme et accompagne près de 300 enseignant.e.s de dix établissements dans leurs apprentissages des CSE au travers de trois modules : reconnexion à soi, aux autres et à la nature.
Eichenberger Y, Delgrande Jordan M. Soutien de la part de la famille, des ami.e.s et des personnes côtoyées à l'école : perception des adolescent.e.s de 11 à 15 ans et liens avec le bien-être psychoaffectif et la consommation de substances psychoactives. Rapport de recherche succinct N° 87A. Lausanne : Addiction Suisse, 2017;
Güntzer A. Jugendliche in der Schweiz leiden unter Leistungsdruck und Stress: Fast die Hälfte der jungen Menschen fühlt sich gestresst – das zeigt die vierte Juvenir-Studie. Schweizerische Zeitschrift für Heilpädagogik 2017;23(2):38-44 ;
Lucia S, Stadelmann S, Pin S. Enquêtes populationnelles sur la victimisation et la délinquance chez les jeunes dans le canton de Neuchâtel. Raisons de santé 288. Lausanne : Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP), 2018 ;
Stamm, M., Ruckdäschel, C., Templer, F., Niederhauser, M. Schulabsentismus: Ein Phänomen, seine ; Bedingungen und Folgen. Wiesbaden: Springer Verlag für Sozialwissenschaften, 2009 ;
Studer R, Quarroz S. Enquête sur la santé des enseignants romands. Épalinges : Institut universitaire romand de Santé au Travail, 2017.
HappySchools.ch/INSPIRE l’équipe :
L’intervention est sous la responsabilité de Edith Favoreu PhD, leader du projet « Happy Schools.ch ».
Chargée de programme, ELI et leader du programme HappySchoolS.ch/INSPIRE, Edith assure la coordination générale du projet ainsi que la responsabilité pédagogique ; Edith est aussi co-directrice du DAS « Résilience et santé organisationnelle », HEG – Genève ; Co-directrice du CAS « Bonheur dans les organisations », HEG – Genève & responsable pédagogique d’ ISANGO-Formation.
La recherche est sous la responsabilité de la Dre. Anne-Emmanuelle Ambresin
Pédiatre, Médecin cheffe de la Division interdisciplinaire de santé des adolescent.e.s (DISA) au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et MER à la faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL).
Camille Van Klaveren intervient en tant que co-responsable pédagogique au sein d’ELI.
Détentrice d’un Master 2 en Sciences de l’Éducation focalisé sur l’apprentissage des compétences socio-émotionnelles pour former des encadrants capacitants, Camille suit et contribue au Projet Happy Schools au Vietnam depuis son démarrage en 2018.
La coordination opérationnelle du projet est essentiellement conduite par Julia Leyris, chargée de projet au sein d’ELI.
Metteure-en-scène, Julia accompagne depuis 12 ans des personnes de tous âges grâce aux pratiques de la performance théâtrale et des compétences socio-émotionnelles. Elle a une grande expérience en gestion de projets. Elle est actuellement étudiante en psychologie.
Céline Golaz, coach pédagogique du programme INSPIRE.
Céline, ex-coordinatrice d'ateliers d'intégration sociale, a lancé UNFOLD en 2017, une entreprise axée sur le changement organisationnel avec une approche écosystémique. Elle est également diplômée en "Bonheur dans les Organisations" depuis 2019, s'inspirant de la Théorie U et du Bonheur National Brut pour guider ses actions. En tant que chercheuse, elle explore les relations avec le savoir, l'éthique du Care, et le mouvement corporel.